Les fetes galantes
CLAIR DE LUNE Votre âme est un paysage choisi Que vont charmant masques et bergamasques Jouant du luth et dansant et quasi Tristes sous leurs déguisements fantasques. 5 Tout en chantant sur le mode mineur L’amour vainqueur et la vie opportune, Ils n’ont pas l’air de croire à leur bonheur Et leur chanson se mêle au clair de lune, Au calme clair de lune triste et beau,
10 Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres Et sangloter d’extase les jets d’eau, Les grands jets d’eau sveltes parmi les marbres.
PANTOMIME
Pierrot, qui n’a rien d’un Clitandre, Vide un flacon sans plus attendre, Et, pratique, entame un pâté.
Cassandre, au fond de l’avenue,
5 Verse une larme méconnue Sur son neveu déshérité.
Ce faquin d’Arlequin combine L’enlèvement de Colombine Et pirouette quatre fois.
10 Colombine rêve, surprise De sentir un cœur dans la brise Et d’entendre en son cœur des voix.
SUR L’HERBE L’abbé divague. - Et toi, marquis, Tu mets de travers ta perruque. - Ce vieux vin de Chypre est exquis Moins, Camargo, que votre nuque.
5 - Ma flamme... - Do, mi, sol, la, si. L’abbé, ta noirceur se dévoile ! - Que je meure, Mesdames, si Je ne vous décroche une étoile ! - Je voudrais être petit chien !
10 - Embrassons nos bergères, l’une Après l’autre. - Messieurs, eh bien ? - Do, mi, sol. - Hé ! bonsoir, la Lune !
L’ALLÉE
Fardée et peinte comme au temps des bergeries , Frêle parmi les nœuds énormes de rubans, Elle passe, sous les ramures assombries, Dans l'allée où verdit la mousse des vieux bancs,
5 Avec mille façons et mille affèteries Qu'on garde d'ordinaire aux perruches chéries. Sa longue robe à queue est bleue, et l'éventail Qu'elle froisse en ses doigts fluets aux larges bagues S'égaie en des sujets