Les hauts de hurlevent ou la crise morale de l’angleterre victorienne
Emily Brontë ne présente aucun des attributs prêtés aux « grandes » figures littéraires de son temps, comme Charles Dickens ou William Thackeray : elle n’a pratiquement pas voyagé, elle ne vit pas en ville, elle n’appartient à aucun cercle littéraire, et... elle n’est pas un homme. Parce qu’elle mène une vie apparemment limitée, on considère souvent son œuvre comme indépendante de tout contexte, pour y voir le seul fruit d’une imagination inspirée.
Mais en matière de littérature, le vide n’existe pas. Même si Emily Brontë réside à l’écart de tout centre urbain, elle n’en vit pas moins dans une Angleterre qui traverse une profonde mutation. La révolution industrielle, déjà largement engagée lorsqu’Emily Brontë voit le jour, se traduit par une remise en question des hiérarchies sociales traditionnelles.
Dès 1820, l’Angleterre sombre dans une période de profonde dépression. Les campagnes publiques d’assistance aux plus démunis n’améliorent guère l’épouvantable situation de ces derniers. Tous les jours, on frise l’émeute. Le roi Georges III meurt cette année-là. Il occupait le trône de Grande-Bretagne et d’Irlande depuis soixante ans, et son successeur n’inspire à ses sujets que de l’effroi. Dans une telle atmosphère de bouleversement social, le pouvoir des familles de propriétaires terriens comme les Linton et les Earnshaw se trouve contesté.
De façon plus détournée, c’est une bonne partie de l’idéologie du XVIIIe siècle, celle de « l’Angleterre des Lumières », qui est aussi remise en cause. Les découvertes de Darwin sur l’évolution, qui insistent sur le rôle essentiel de la « lutte pour la vie », seront perçues comme particulièrement troublantes.
On trouve déjà cette notion de violence fondamentale du monde dans Les Hauts de Hurlevent. Les révolutions intellectuelles et sociales qui agitent l’époque finissent par provoquer une crise du monde religieux. Une crise à laquelle Emily Brontë ne