Les liaisons dangereuses , un roman polyphonique
I/ La diversité des vois
A) Les figures secondaires
Laclos reprend et allège la polyphonie mise en œuvre par Richardson dans Clarisse Harlowe (1748) : de vingt-six correspondants, il passe à treize. Voulant affaiblir la résistance de la dévote, Laclos élimine la correspondance du mari, « mélange indigeste de détails de procès et de tirades d'amour conjugal » (XLIV), ainsi que celle de Sophie, jugée ennuyeuse. D'autres épistoliers n'écrivent qu'une fois : Gercourt pour différer son mariage (CXI) ; la Maréchale après le scandale autour de Prévan. Ils sont absents du scénario du film. Quelques comparses interviennent dans un seul échange pour remplir des fonctions spécifiques : Azolan délégué à Paris, Anselme pour le rendez-vous. Mme de Volanges et Mme de Rosemonde se relaient en tant que confidentes auprès de Mme de Tourvel.
B) Les protagonistes
Valmont écrit 51 lettres, dont 34 à Mme de Merteuil, et il en reçoit 37 ; la marquise en rédige 28, et 41 lui sont adressées. Suivant sa doctrine – « celle de ne jamais écrire, de ne délivrer jamais aucune preuve de a défaite » - , Mme de Merteuil écrit deux fois moins que Valmont, mais elle est bien renseignée. Comme dans un opéra, Laclos donne à entendre plusieurs duos : harmonieux : les deux jeunes héros ; contrasté : le libertin et la dévote, dont les partitions se rejoignent comme chez Mozart ; dissonant : les manipulateurs, dont le duo se transforme en duel (« la guerre »). Laclos