les mains sales
HOEDERER. -De toute façon, tu ne pourrais pas faire un tueur. C'est une affaire de vocation. HUGO. -N'importe qui peut tuer si le Parti le commande.
HOEDERER. -Si le Parti te commandait de danser sur une corde raide, tu crois que tu pourrais y arriver ? On est tueur de naissance. Toi, tu réfléchis trop: tu ne pourrais pas. HUGO. -Je pourrais si je l'avais décidé.
HOEDERER. -Tu pourrais me descendre froidement d'une balle entre les deux yeux parce que je ne suis pas de ton avis sur la politique ?
HUGO. -Oui, si je l'avais décidé ou si le Parti me l'avait commandé.
HOEDERER. -Tu m'étonnes. (Hugo va pour plonger la main dans sa poche mais Hoederer la lui saisit et l'élève légèrement au-dessus de ta table) Suppose que cette main tienne une arme et que ce doigt-là soit posé sur la gâchette...
HUGO. -Lâchez ma main.
HOEDERER, sans le lâcher: -Suppose que je sois devant toi, exactement comme je suis et que tu me vises...
HUGO. -Lâchez-moi et travaillons.
HOEDERER. -Tu me regardes et au moment de tirer, voilà que tu penses : « Si c'était lui qui avait raison ? » Tu te rends compte ?
HUGO. -Je n'y penserais pas. Je ne penserais à rien d'autre qu'à tuer.
HOEDERER. -Tu y penserais: un intellectuel, il faut que ça pense. Avant même de presser sur la gâchette tu aurais déjà vu toutes les conséquences possibles de ton acte: tout le travail d'une vie en ruine, une politique flanquée par terre, personne pour me remplacer, le Parti condamné peut-être à ne