Ie devois par la RoyautéAvoir commencé mon Ouvrage. A la voir d’un certain coſté, [1]Meſſer Gaſter en eſt l’image.S’il a quelque beſoin, tout le corps s’enreſſent.De travailler pour luy les membres ſe laſſant,Chacun d’eux reſolut de vivre en Gentil-homme,Sans rien faire, alleguant l’exemple de Gaſter.Il faudroit, diſoient-ils, ſans nous qu’il vécuſtd’air.Nous ſuons, nous peinons comme beſtes de ſomme :Et pour qui ? pour luy ſeul ; nous n’en profitons pas :Noſtre ſoin n’aboutit qu’à fournir ſes repas.Chommons, c’eſt un métier qu’il veutnous faire apprendre.Ainſi dit, ainſi fait. Les mains ceſſent de prendre ;Les bras d’agir, les jambes de marcher.Tous dirent à Gaſter, qu’il en allaſt chercher.Ce leur fut une erreur dont ils ſerepentirent ;Bien-toſt les pauvres gens tomberent en langueur :Il ne ſe forma plus de nouveau ſang au cœur :Chaque membre en ſouffrit, les forces ſe perdirent. Par ce moyen les mutins virentQueceluy qu’ils croyoient oiſif & pareſſeux,A l’intereſt commun contribuoit plus qu’eux.Cecy peut s’appliquer à la grandeur Royale.Elle reçoit & donne, & la choſe eſt égale.Tout travaillepour elle, & reciproquement Tout tire d’elle l’aliment.Elle fait subſiſter l’artiſan de ſes peines,Enrichit le Marchand, gage le Magiſtrat.Maintient le Laboureur, donne paye auſoldat,Diſtribuë en cent lieux ſes graces ſouveraines, Entretient ſeule tout l’Eſtat. Menenius le ſçeut bien dire.La Commune s’alloit ſeparer du Senat.Les mécontens diſoient qu’il avoit toutl’Empire,Le pouvoir, les treſors, l’honneur, la dignité ;Au lieu que tout le mal eſtoit de leur côté ;Les tributs, les impoſts, les fatigues de guerre.Le peuple hors des murs eſtoit déja poſté.La pluſparts’en alloient chercher une autre terre, Quand Menenius leur fit voir Qu’ils eſtoient aux membres ſemblables ;Et par cet Apologue inſigne entre les Fables, Les ramena dans leur...
Ie devois par la RoyautéAvoir commencé mon Ouvrage. A la voir d’un certain coſté, [1]Meſſer Gaſter en eſt l’image.S’il a quelque beſoin, tout le corps s’enreſſent.De travailler pour luy les membres ſe laſſant,Chacun d’eux reſolut de vivre en Gentil-homme,Sans rien faire, alleguant l’exemple de Gaſter.Il faudroit, diſoient-ils, ſans nous qu’il vécuſtd’air.Nous ſuons, nous peinons comme beſtes de ſomme :Et pour qui ? pour luy ſeul ; nous n’en profitons pas :Noſtre ſoin n’aboutit qu’à fournir ſes repas.Chommons, c’eſt un métier qu’il veutnous faire apprendre.Ainſi dit, ainſi fait. Les mains ceſſent de prendre ;Les bras d’agir, les jambes de marcher.Tous dirent à Gaſter, qu’il en allaſt chercher.Ce leur fut une erreur dont ils ſerepentirent ;Bien-toſt les pauvres gens tomberent en langueur :Il ne ſe forma plus de nouveau ſang au cœur :Chaque membre en ſouffrit, les forces ſe perdirent. Par ce moyen les mutins virentQueceluy qu’ils croyoient oiſif & pareſſeux,A l’intereſt commun contribuoit plus qu’eux.Cecy peut s’appliquer à la grandeur Royale.Elle reçoit & donne, & la choſe eſt égale.Tout travaillepour elle, & reciproquement Tout tire d’elle l’aliment.Elle fait subſiſter l’artiſan de ſes peines,Enrichit le Marchand, gage le Magiſtrat.Maintient le Laboureur, donne paye auſoldat,Diſtribuë en cent lieux ſes graces ſouveraines, Entretient ſeule tout l’Eſtat. Menenius le ſçeut bien dire.La Commune s’alloit ſeparer du Senat.Les mécontens diſoient qu’il avoit toutl’Empire,Le pouvoir, les treſors, l’honneur, la dignité ;Au lieu que tout le mal eſtoit de leur côté ;Les tributs, les impoſts, les fatigues de guerre.Le peuple hors des murs eſtoit déja poſté.La pluſparts’en alloient chercher une autre terre, Quand Menenius leur fit voir Qu’ils eſtoient aux membres ſemblables ;Et par cet Apologue inſigne entre les Fables, Les ramena dans leur...