Les obseques de la lionne
I. Sur la voie de la réflexion
La fable est aussi un discours argumentatif, de manière directe ou indirecte. La Fontaine prend clairement la parole et s’engage dans ses deux morales. Mais le récit lui-même, qui met en scène des animaux bien humains, nous guide vers la réflexion.
1. Les deux morales et l’engagement personnel du fabuliste
Par deux fois, le discours narratif cède le pas à un discours argumentatif. On quitte le monde des animaux dans lequel le premier vers nous avait fait entrer (« La femme du Lion ») pour regagner celui des hommes (« la cour », « les gens », le « Prince », « les Rois »).
Dans cette perspective, le verbe « être » occupe une place importante : de manière sous-entendue dans la « cour un pays », « Sont ce qu’il plaît », « vous serez leur ami ». Le vocabulaire désigne des notions élargies (« pays », « peuple », « esprit »…) et on peut repérer, d’une morale à l’autre, la poursuite de ce mouvement de généralisation. En effet, le singulier « Prince » fait place au pluriel « Rois ». Ces deux passages didactiques se caractérisent surtout par les marques d’une énonciation distincte de celle du récit. Quasi absent dans le discours narratif, La Fontaine affirme sa présence dans la morale. C’est le pronom personnel « je » ainsi que le présent de l’énonciation (« définis ») qui marquent d’ailleurs, au début du vers 17, le glissement d’un discours à l’autre. L’adjectif possessif pluriel « notre » vient clore la première morale et introduire le retour au discours narratif. Encadré par ces deux indices personnels, le passage argumentatif exprime l’engagement du fabuliste. La seconde morale fait appel au lecteur : trois impératifs et un pronom de deuxième personne. La fable a séduit le destinataire et La Fontaine n’hésite pas à l’inclure dans son discours. Le « notre affaire » du vers 24 pouvait déjà être compris comme une