Les pensees de pascal
Pari sur Dieu
Notre âme est jetée dans le corps, où elle trouve nombre, temps, dimensions. Elle raisonne là-dessus, et appelle cela nature, nécessité, et ne peut croire autre chose.
L’unité jointe à l’infini ne l’augmente de rien, non plus qu’un pied à une mesure infinie. Le fini s’anéantit en présence de l’infini, et devient un pur néant. Ainsi notre esprit devant Dieu ; ainsi notre justice devant la justice divine. Il n’y a pas si grande disproportion entre notre justice et celle de Dieu, qu’entre l’unité et l’infini.
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Nous connaissons qu’il y a un infini, et ignorons sa nature. Comme nous savons qu’il est faux que les nombres soient finis, donc il est vrai qu’il y a un infini en nombre. Mais nous ne savons ce qu’il est : il est faux qu’il soit pair, il est faux qu’il soit impair ; car, en ajoutant 1 unité, il ne change point de nature ; cependant c’est un nombre, et tout nombre est pair ou impair (il est vrai que cela s’entend de tout nombre fini). Ainsi on peut bien connaître qu’il y a un Dieu sans savoir ce qu’il est.
[…]
Nous connaissons donc l’existence et la nature du fini parce que nous sommes finis et étendus comme lui. Nous connaissons l’existence de l’infini et ignorons sa nature, parce qu’il est doté d’étendue comme nous, et que, contrairement à nous, il n’a pas de bornes. Mais nous ne connaissons ni l’existence ni la nature de Dieu, parce qu’il n’a ni étendue ni bornes.
Mais par la foi nous connaissons son existence ; par la gloire nous connaîtrons sa nature. Or, j’ai déjà montré qu’on peut bien connaître l’existence d’une chose, sans connaître sa nature.
Parlons maintenant selon les lumières naturelles.
S’il y a un Dieu, il est infiniment incompréhensible, puisque, n’ayant ni parties ni bornes, il n’a nul rapport avec nous. Nous sommes donc incapables de connaître ni ce qu’il est, ni s’il est. Cela étant, qui osera