Les recettes du bonheur en societe
Ces allers-retours permettent également de faire ressortir les voies d’un possible bonheur en société.
Fénelon, en précepteur soucieux de faire réfléchir son élève, a choisi de recourir à l’utopie de la Bétique pour illustrer le débat séculaire sur les vertus comparées de la nature et de la culture. L’humaniste et le théologien ont choisi une aimable austérité dont la matière, puisée dans l’Antiquité, a été corrigée par la tradition biblique. C’est pour lui l’occasion de fustiger les dérives du monarque qui désire asseoir son pouvoir absolu et célébrer sa gloire. Le moraliste constate avec amertume que la France s’est perdue moralement dans les illusions corruptrices du faste et du luxe. Dans ses reproches, l’aristocratique prélat fait valoir un rêve de tempérance biblique et homérique. Il rejoint ainsi l’austérité de Mme de Maintenon et de nombreux parlementaires.
Montesquieu prône le respect d’une religion naturelle, la retenue dans les liens humains et une forme de communisme pour éviter les conséquences néfastes de la propriété individuelle.
Quant à Voltaire, il illustre l’adage « pour vivre heureux, vivons cachés ». Les humbles et les petits peuvent espérer une vie simple et heureuse dans le retour à la terre et la pratique d’une hospitalité orientale chaleureuse. Le sage de Ferney propose la morale explicite de la petite métairie : « le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice, et le besoin », élargie à la fin du roman dans le précepte, « il faut cultiver notre jardin ». Ces derniers mots évoquent malicieusement un paradis terrestre humaniste reconquis par l’exercice de la raison, à la fois intelligence et mesure, seule capable de contrebalancer les folies