Les règles de la tragédie et leurs rôles
« La tragédie doit exciter de la pitié et de la crainte. » Corneille
Dans sa citation, Corneille fait référence à la formule d’Aristote qui dans la Poétique définissait la tragédie comme « l’imitation d’une action noble et complète […] faite par des personnages en action et non au moyen d’un récit et qui, suscitant pitié et crainte opère la purgation de ce genre d’émotions. ». La citation de Racine se veut polémique : il entend rappeler aux critiques qui lui reprochent son irrespect des règles traditionnelles la principale motivation qui a contribué à leur apparition. Pour lui, elles ne doivent pas devenir des carcans, et surtout il n’admet pas qu’elles puissent être absolues, ou considérées comme des recettes infaillibles. Les commentateurs ont souvent opposé le théâtre de Racine à celui de Corneille, mais, au-delà des différences, nombreuses il est vrai, les deux dramaturges ont dû à chaque fois être confronté et réfléchir sur leur art et ses contraintes, tout en affrontant des rivaux jaloux qui se basaient sur de tels critères pour attaquer leurs pièces. Les deux citations peuvent donner l’impression d’illustrer l’opposition des deux auteurs classiques, mais il est aussi nécessaire dans un premier temps de montrer qu’elles peuvent aussi recouvrir un objectif commun. Car la citation de Corneille peut aussi être lue comme un rappel, comme un retour à l’origine, de sorte qu’il sous-entend que toutes les règles venues se greffer par la suite, n’ont été érigées que pour servir le but initial, et ne sauraient être considérées comme incontournables. Racine ne dit pas autre chose.
Une autre façon de rapprocher les deux citations est de montrer qu’exciter la pitié et la crainte est aussi une manière de plaire et de toucher le public. Chez Aristote, la catharsis explique le plaisir de l’auditeur à l’écoute du récit tragique. Il vit les émotions des protagonistes par procuration en quelque sorte, en