Les réécritures du XVII siècle jusqu'à nos jours
Robinson Crusoé de Daniel Defoe est un récit fondateur qui a nourri l’imaginaire occidental par la situation inédite qu’il rapportait, celle de la survie d’un homme brusquement ramené à l’état de nature et coupé de toute société humaine. Les autres textes rédigés au XXe siècle sont des variations sur cette aventure qui hante notre inconscient. Paul Valéry, dans « Robinson » tiré de La Jeune Parque et poèmes en prose, Histoires brisées, rédige quelques bribes pour servir de scénario interprétatif à cette tranche de vie. Michel Tournier, dans Vendredi ou les Limbes du Pacifique, essaie de montrer comment le contact direct avec la nature a changé le naufragé. Patrick Chamoiseau, avec L’Empreinte à Crusoé, tente de reconstruire la personnalité de son héros perturbé par une amnésie. Dans chacun de ces extraits, l’écriture remplit une fonction précise.
Le journal tenu par le marin solitaire dans Robinson de Daniel Defoe répond à un double souci. Le héros ne veut pas perdre ses repères temporels. Ce besoin apparaît par l’indication systématique de la date en tête des notations. La structure du récit est celle d’un calendrier. Le naufragé relève également les faits marquants qui constituent un progrès. Robinson entend échapper ainsi au désespoir, à la monotonie des jours qui pourrait le conduire à s’écrouler.
Les autres textes ne donnent pas à l’écriture ces fonctions vitales de témoignage. Valéry utilise une structure en abyme. Sa propre écriture est la notation de fragments constitutifs d’un récit en gestation sur la vie intérieure du héros confronté à la solitude et au dénuement. Ce récit envisagé contient lui-même l’élaboration d’une « vie intellectuelle ». Pour meubler sa solitude et le vide intérieur conséquent, Robinson « note ce qui lui […] revient » de ses lectures passées. « Ces notes sont bien curieuses. » Elles sont une incitation à