les socialismes africains
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Les socialismes africains ou la reconquête de l’homme Norman AJARI Introduction On ne peut aborder le thème des socialismes africains sans soulever la question de la race. Yves Bénot remarquait que, plus encore qu’au Maghreb, en Afrique subsaharienne « tout a été brisé, les anciens États broyés, les ethnies morcelées, la personnalité nationale voir simplement humaine des Africains noirs niée, attaquée de toutes les manières. »1 Cette remarque invite à prendre la mesure de la « récusation originaire de l’humain dans l’Africain […] cette tentative de confinement dans la différence brute, ce ravalement primitif du signe africain » que « Senghor, Césaire, Fanon et les autres se sont efforcés de contredire, parfois vaille que vaille, en fonction des moyens de leur temps »2, pour citer Achille Mbembe. C’est pourquoi il n’est possible de comprendre complètement les enjeux de la pensée politique africaine née des impératifs anticoloniaux qu’à condition qu’on la prenne comme ce que de nombreux auteurs, vraisemblablement après Fanon, ont appelé un « nouvel humanisme » – c’est-à-dire une tentative de reconquête d’une humanité niée par les doctrines et les pratiques du racisme colonial. On peut dire qu’il s’agit là du souci constant des théoriciens des « socialismes africains ». Ces derniers sont aussi des politiques, et les auteurs d’un faisceau de doctrines disparates qui peuvent s’apparenter surtout à une certaine « orientation idéologique »3. Cependant, la centralité d’une question philosophique comme celle de l’humanisme ne s’explique que pour moitié par la réalité de la violence et des humiliations subies par les Noirs depuis plusieurs siècles. Il faut également considérer le rôle capital des intellectuels dans les luttes indépendantistes africaines, du fait des spécificités de la stratification sociale du continent. En effet, que la revalorisation, pour ne pas dire la réinvention, de l’humanité des Nègres soit apparue comme un enjeu capital est une chose. Que cette