Les sonnets de la mort bernard noel
Éprouvante, à la limite de ce qui est soutenable mais le lecteur s’en veut de ces réactions, puisque, l’éditeur le montre dans son prière d’insérer, Bernard Noël, lui, n’oublie pas son devoir de poète « qui est d’opposer à la cécité institutionnelle et collective un regard fixe, qui ne cille pas, braqué sur le pire. Et d’aller à la fin nommer l’innommable ».
Ce dont il est question dans ces onze Sonnets de la mort, c’est de regarder en face la torture et de lui donner des mots. Ne pas les macher, précisément, mais les placer, violents, crus, précis, sous les yeux du lecteur. Lisez ce qui se passe dans une salle de torture et sachez que les métaphores ici ne sont pas conviées. C’est le pire (le titre de la collection de Fissile dans lequel paraît ce livre est pire, du titre d’un livre de Guy Viarre). Le pire et on s’aperçoit que si l’on croit savoir, on ne sait pas, qu’on évite de savoir. Cela aussi le devoir du poète, une des raisons d’être de la poésie, aller à l’extrême limite des mots, ce que l’on peut nommer, à la frontière de ce qu’on dit être « innommable ». Fonction de la poésie, envers et contre tout, rappeler que ça existe, user de la forme des mots de la poésie pour le dire, le redire, dire que ça existe aujourd’hui, sans doute ailleurs dans le monde, mais que c’est latent et aussi que sans fin ça se prépare. Le pire. Que jamais assez de vigilance. Qu’à perdre les mots (les perdre, les tordre à usage déterminé, les enlever de la bouche ou de la tête d’autrui, les dévaloriser par un usage strictement fonctionnel, utilitariste, conditionné, liste non exhaustive…), on retrouve très vite le chemin du