Les trentes glorieuses
Libre à quelques adolescents sympathiques mais mal informés, bénéficiant du niveau et du genre de vie actuels de la France, de l'hygiène, de la santé, de la Sécurité Sociale, et de tous les moyens modernes de transport, d'information, de communication... de critiquer, voire de détester la « société de consommation ». Après les descriptions qu'on vient de lire, leurs opinions et leurs sentiments paraissent hâtifs. En fait, les peuples ont toujours ardemment désiré échapper aux pauvretés, aux duretés, aux misères traditionnelles ; aucun n'a pu le faire plus rapidement et plus nettement que la France en ce troisième quart du XXème siècle (...). Et l'écart qui sépare Cessac de Madère, et plus encore du Douelle de 1830 et de 1750, l'élévation de l'espérance de vie, la réduction de la morbidité et des souffrances physiques, la possibilité matérielle pour l'homme moyen d'accéder aux formes naguère inaccessibles de l'information, de l'art, de la culture, suffit, même si cet homme moyen s'avère souvent indigne de ces bienfaits, à nous faire penser que la réalisation au XXème siècle du Grand Espoir de l'Humanité est une époque glorieuse dans l'histoire des hommes.
Mais il n'en est pas moins certain que cette étape glorieuse ne débouche pas sur un arrêt de l'histoire, ne débouche pas sur un avenir figé par l'avènement d'une prospérité permanente et d'un bonheur immuable. (...) Nous savons bien que la condition humaine reste tragique, et qu'elle sera peut-être même d'autant plus ressentie comme telle que