La lecture de cette lettre peut être envisagée selon la problématique suivante :
En quoi cette lettre constitue-t-elle un manifeste pour une poésie nouvelle ?
(manifeste = profession de foi // exposé théorique lançant un mouvement littéraire)1) Rimbaud énonce lui-même l’objet et la finalité de sa lettre : J’ai résolu de vous donner une heure de littérature nouvelle et Voici de la prose sur l’avenir de la prose.
La lettre est donc destinée à donner à son lecteur une forme de leçon (une heure) et à mettre en évidence la nouveauté et l’avenir, la foi en la pérennité de la forme nouvelle de la poésie qu’est la prose, ce qui lui confère une dimension argumentative.
2) Pour mettre en évidence la nécessité de passer à une forme nouvelle, il se livre à une critique destructrice des mouvements poétiques précédents. Auteurs et formes sont visés. Le lexique est péjoratif, voire assassin. Tout est "prose rimée, un jeu, avachissement et gloire d’innombrables générations idiotes". Même Racine, reconnu comme le plus grand des poètes tragiques, n’est pas épargné : "le pur, le grand n’est que le Divin Sot" ! Et "après lui, le jeu moisit. Il aura duré deux mille ans".
3) Pour qu’il y ait évolution, le poète, l’auteur, le créateur doit se remettre en cause et reconsidérer sa position. Le poète ne peut être un fonctionnaire, un écrivain. Tout se joue dans la conception du moi. La genèse du texte vient du dédoublement du créateur : Je est un autre. Si la poésie est arrivée à ce stade de sclérose que dénonce Rimbaud, c’est que "les vieux imbéciles (n’ont) trouvé du moi que la signification fausse". Il y a donc nécessité de balayer "ces millions de squelettes qui depuis un temps infini ont accumulé les produits de leur intelligence bornée". L’argumentation s’appuie ici sur la poésie antique, grecque et romaine, dans laquelle Rimbaud reconnaît une inspiration naturelle, alors que la poésie qui suivit ne fut que "passe-temps, jeu de rimes où ils s’éjouissent à renouveler ces