Lettre xlvii "qu’il faut traiter humainement ses esclaves"

1449 mots 6 pages
Aussi ne puis-je que rire de ceux qui tiennent à déshonneur de souper avec leur esclave, et cela parce que l’orgueilleuse étiquette veut qu’un maître à son repas soit entouré d’une foule de valets tous debout. Il mange plus qu’il ne peut contenir, son insatiable avidité surcharge un estomac déjà tout gonflé, qui, déshabitué de son office d’estomac, reçoit à grand’peine ce qu’il va rejeter avec plus de peine encore; et ces malheureux n’ont pas droit de remuer les lèvres, fût-ce même pour parler. Les verges châtient tout murmure; les bruits involontaires ne sont pas exceptés des coups, ni toux, ni éternuement, ni hoquet; malheur à qui interrompt le silence par le moindre mot! ils passent les nuits entières debout, à jeun, lèvres closes. Qu’en arrive-t-il? Que leur langue ne s’épargne pas sur un maître en présence duquel elle est enchaînée. Jadis ils pouvaient converser et devant le maître et avec lui, et leur bouche n’était point scellée; aussi étaient-ils hommes à s’offrir pour lui au bourreau, à détourner sur leurs têtes le péril qui eût menacé la sienne. Ils parlaient à table, ils se taisaient à la torture. Voici encore un adage inventé par ce même orgueil : Autant de valets, autant d’ennemis. Nous ne les avons pas pour ennemis, nous les faisons tels. Et que d’autres traits cruels et inhumains sur lesquels je passe, et l’homme abusant de l’homme comme d’une bête de charge! Et nous, accoudés sur nos lits de festin, tandis que l’un essuie les crachats des convives, que l’autre éponge à deux genoux les dégoûtants résultats de l’ivresse, qu’un troisième découpe les oiseaux de prix, et promenant une main exercée le long du poitrail et des cuisses, détache le tout en aiguillettes! Plaignons l’homme dont la vie a pour tout emploi de disséquer avec grâce des volailles, mais plaignons plus peut-être l’homme qui donne ces leçons dans la seule vue de son plaisir, que celui qui s’y conforme par nécessité. Vient ensuite l’échanson, en parure de femme, qui s’évertue à démentir

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