Libres et égaux en droit
Une ambition messianique : « la fraternité est d’essence évangélique ». « Il y a deux découvertes humaines que l’on est en droit de considérer comme les plus difficiles : l’art de gouverner les hommes et celui des les éduquer » écrit Kant dans ses Réflexions sur l’éducation. L’idée de « modernité » repose sur l’utopie double et régulatrice d’une « perfectibilité » des hommes et d’une possible préparation dans et par le présent d’un « état futur, possible et meilleur ». La perspective d’une « terre d’abondance » et celle d’une « vie meilleure » est donc posée ; mais à l’intérieur de ce monde, tel qu’il est et par la garantie d’un monde idéal, tel qu’il devrait être. Il faut donc dire à la fois qu’il y a un « mal radical », mais aussi « une impulsion vers le bien », au sein du cœur des hommes. Aporie fondamentale. Au centre de ce projet : une espérance d’une nature profondément religieuse et, tout à la fois, un postulat rationnel qu’il s’agit de traduire par des actes, tant il est partout contredit ou bafoué, au nom des faits et des particularités. « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit » ; ils ont tous des « droits naturels inaliénables et sacrés ». Cependant : « l’homme est né libre, et partout il est dans les fers ». Partout dominent des inégalités en particulier économiques et sociales, partout prolifèrent des systèmes d’oppression et de soumission ouverte ou cachée. L’inégalité morale ou politique dit Rousseau est « établie, ou du moins autorisée par le consentement des hommes. Celle-ci consiste dans les différents privilèges dont quelques uns jouissent, au préjudice des autres, comme d’être plus riches, plus honorés, plus puissants qu’eux, ou même de sens faire obéir ». De fait, toutes les sociétés existantes et toutes les formes sociales historiques connues ont reposé sur la violence, toutes ont supposé la division entre dominants et dominés ; toutes enfin ont développé des formes diverses d’exploitation de