Lien social et consommation

Robert ROCHEFORT, Directeur du Credoc, auteur de La société des consommateurs, éd. Odile Jacob, octobre 1995
Alternatives Economiques n° 132 - décembre 19
Parce qu'elle est une façon de vivre ensemble, la consommation crée du lien social. Et c'est évidemment par l'inverse que cela se démontre aujourd'hui: la crise du lien social et la fracture sociale nourrissent une conjoncture durablement morose pour la consommation. Il y a au moins quatre idées force à retenir pour illustrer cela.
La première est la plus évidente. C'est l'absence de revenus suffisants pour les groupes atteints par le chômage. Mais on ne prend pas toujours conscience de toutes ses conséquences. Ainsi, il ne suffit pas de créer n'importe quels emplois pour que la consommation reparte comme avant. Si les emplois créés le sont d'une façon non seulement précaire, mais aussi, pour une large part, avec des salaires minimums en temps partiel contraint comme on le voit depuis un an, il ne faut pas en attendre une ruée dans les magasins et sur les caddies.
Vient ensuite l'argument de la préférence pour l'épargne, par réflexe de précaution, qui concerne presque tout le monde. Car aujourd'hui, même la famille de fonctionnaires ou le couple de retraités a un fils menacé par le chômage. Autre élément moins connu qui montre la force de ce réflexe de précaution: lorsqu'une famille est frappée par le chômage, elle réduit en moyenne sa consommation d'un cinquième à un quart et cette diminution est en général supérieure à celle de ses revenus.
Troisième idée: l'insécurité sociale modifie aussi la stratégie des achats et le choix des produits dans un sens déflationniste. On privilégie l'argument du prix, soit en négligeant la qualité, soit en déplaçant le moment de ses achats pour bénéficier à plein des périodes de soldes et de promotions en tout genre. Les caractéristiques immatérielles des produits et des services recherchés se modifient également. Pour d'autres catégories de