Linguistique appliquée
Pierre Cadiot*, Yves-Marie Visetti** paru dans Langages, numéro sur « Discours et sens commun » (G.E. Sarfati, éd.), 2008, 170, pp. 79-91. Résumé. Minoré dans le contexte moderne – de façon particulière en France depuis l’Académie –, le proverbe illustre néanmoins l’idée d’un sens commun qui ne se réduise pas à un arrière-plan du langage, mais passe par un ensemble de techniques de discours à vocation fondatrice, de nature intrinsèquement modale. Dans le cadre d’une théorie des formes sémantiques, on propose un modèle de la généricité figurale des proverbes, déployant une variété de motifs à divers paliers de thématisation. Se dégage en particulier un niveau transdiscursif de koinè sémantique, où fusionnent les dimensions sensibles et doxales du sens commun. Les points suivants sont abordés : diversité anarchique des interprétations formulaires, fluctuation des valeurs lexicales, bascule modale entre gnomique et déontique, logique et réalisme proverbial. On souligne le caractère non consensuel de la communauté du sens, la nécessité de repenser le jeu des modalités, enfin l’intérêt programmatique d’une notion de micro-genre pour l’approche discursive du sens commun. Mots-clés : proverbe, genre de la parole, micro-genre, formes sémantiques, motif, généricité figurale, microgenèse, sens commun, perception, doxa,
1. Le proverbe dans la facture du sens commun
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Les formulations sentencieuses en général – dicton, maxime, sentence, adage, précepte, aphorisme, prière… et jusqu’à l’insulte rituelle – forment un lieu privilégié pour une articulation entre l’analyse linguistique et celle des représentations et routines collectives. Les proverbes en constituent un exemple reconnu de longue date comme fondamental, en dépit des difficultés liées à leur définition, et de la diversité de leurs fonctions dans la vie sociale, selon les aires et les époques. L’engouement académique rejoint ici une longue tradition misavante,