Cela rappelait la fois où Marcelin avait fait la connaissance de Julie. C'était lors d'une espèce de “soirée-événement” (qui avait lieu comme de juste un dimanche après-midi) où un jeune styliste présentait ses dernières créations devant un public pas tout à fait médusé. Un type assis juste derrière Marcelin avait trouvé amusant (il était en galante compagnie et sans doute pensait-il ainsi épater sa belle) de déposer ses grosses godasses juste à côté de l'oreille droite de Marcelin. “Big M” (c'est ainsi qu'il se faisait appeler, non sans délectation) avait demandé gentiment, poliment au zozo d'enlever ses pieds de là, à quoi celui-ci répondit en prenant un air interloqué (s'ensuivirent des pouffements de rire entre lui et la gente demoiselle). Mais les pieds, eux ne bougèrent pas d'un pouce. Big M, silencieux, se lève, passe dans la rangée de derrière, reformule sa demande sur le même ton impeccable. Rien n'y fait, l'autre toujours aussi insolent. Marcelin ne fait ni une ni deux : il pousse l'autre au fond de son siège, l'autre se lève par réflexe et Sha-bââm ! un coup de pied en pleine figure, d'une violence inouïe (en karaté cela s'appelait de mawashi-geri, avec rotation des hanches pour maximiser l'impact).
− Maintenant casse-toi, ou je mfâche vraiment !” L'autre fila sans demander son reste, presque à quat'pattes. La bonne femme du pisseur de sang, qui jusqu'alors avait assisté muette à la scène (laquelle au total n'avait pas duré plus que quelques secondes), la main devant sa bouche grande ouverte, les yeux écarquillés, n'en menait pas large. Elle réussit tout de même, au bout de quelques secondes, à sortir de son état d'apoplexie et à proférer sur un ton indigné : “M…mais vous êtes fou ! Vous auriez pu lui casser quelque chose…”. − Rectification : je lui ai cassé quelque chose. Son nez doit ressembler à un crochet de porte-manteau à l'heure qu'il est. Mais avouez qu'il l'a bien mérité ; en plus sa gueule de joli minet ne me revenait pas : pouah ! ”. Il