Littérature africaine, kourouma
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Ahmadou Kourouma
« Allah n’est pas obligé1»
(extraits) Salué par la critique pour son roman précédent (« En attendant le vote des bêtes sauvages»), Ahmadou Kourouma connaît aujourd’hui la consécration avec « Allah n’est pas obligé» qui a obtenu le prix Renaudot, le prix Goncourt des lycéens et le grand prix Jean Giono. Dans une langue foisonnante, «Allah n’est pas obligé» relate, à la première personne, les pérégrinations de Birahima, un jeune enfant-soldat, dans la folie des guerres du Liberia et de Sierra-Leone. Par sa violence et son désespoir, mais aussi son insouciance et sa gaieté, le récit de Birahima illustre à sa façon le style de vie des small-soldiers analysé plus haut par A. Honwana.
Quand on dit qu’il y a guerre tribale dans un pays, ça signifie que des bandits de grand chemin se sont partagé le pays. Ils se sont partagé la richesse; ils se sont partagé le territoire; ils se sont partagé les hommes. Ils se sont partagé tout et tout et le monde entier les laisse faire. Tout le monde les laisse tuer librement les innocents, les enfants et les femmes. Et ce n’est pas tout! Le plus marrant, chacun défend avec l’énergie du désespoir son gain et, en même temps, chacun veut agrandir son domaine. (L’énergie du désespoir signifie d’après Larousse la force physique, la vitalité.) Il y avait au Liberia quatre bandits de grand chemin: Doe, Taylor, Johnson, El Hadji Koroma, et d’autres fretins de petits bandits. Les fretins bandits cherchaient à devenir grands. Et ça s’était partagé tout. C’est pourquoi on dit qu’il y avait guerre tribale au Liberia. Et c’est là où j’allais. Et c’est là où vivait ma tante. Walahé (au nom d’Allah)! c’est vrai.
1. Le Seuil, 2000. Politique africaine remercie les éditions du Seuil pour avoir autorisé la reproduction de ces extraits du livre de Kourouma
LE
DOSSIER
80 Enfants, jeunes et politique
Dans toutes les guerres tribales et au Liberia, les