Lorenzaccio et les cardinaux
— un meurtre — déterminant le déroulement et le dénouement dra matique qui, par ailleurs, se joue exclusivement dans le dire. Le tyrannicide dans Lorenzaccio, par contre, est montré sur scène, mais il s'avérera inutile et inefficace. Peut-on en conclure au renversement du proverbe pour Lorenzaccio : dire sans faire ? Cette hypothèse, quelque peu paradoxale, engage à reprendre et à déplacer la question formulée par Atle Kittang : quelle est la relation entre action et langage dans le drame de Musset l ?
Une reprise s'impose parce que la dichotomie parole/acte et sa dramatisation par Musset peuvent et doivent être critiquement élabo rées au-delà de la conclusion d'Atle Kittang :« [...] l'action même est devenue un mystère, [...] le langage et la forme dramatique servent principalement à mettre en relief ce mystère. » (p. 48). Ceci en un premier moment de lecture, suivi d'une relance qui déplacera la ques tion : dire et faire se trouveront pris dans un même jeu carnavalesque et opposés à un tiers terme, l'action politique, qui est efficace dans la mesure où, ayant son lieu hors-scène, elle contrôle la mascarade se déroulant sur scène.
1. Dire et faire.
Commençant par ce qui est évident, ne l'est que trop, on constate et relève, comme une donnée majeure de L., la discussion incessante sur le dire opposé au faire. Cette thématisation hypertrophiée (pour entrer en complicité avec l'emploi de la métaphore de l'organisme malade chez Musset) veut que tous les discours se réfèrent à leur propre discursivité, les personnages parlent de la parole, du mot, de la phrase, de la rhétorique, de la sentence, du bavardage, de la prosopopée.
Les faiseurs de mots produisent des mots sur les mots, tandis que les hommes d'action réfléchissent sur les actes, sur la nécessité et sur la possibilité d'agir et sur l'inopportunité de parler. La dicho«
Lorenzaccio » ; Le carnaval et le cardinal 95