Lorenzaccio
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ALFRED DE MUSSET
LORENZACCIO (1834)
L'action se déroule en 1537. Personnage grossier, brutal, le duc Alexandre de Médicis dirige la ville de Florence, en Italie, grâce à l'appui de l'Empereur Charles Quint et du pape Clément VII. Se désintéressant de sa haute fonction, méprisant la bourgeoisie comme le peuple, il passe son temps dans le lit des femmes. Son jeune cousin Lorenzo s’est donné pour but de libérer Florence de la tyrannie d’Alexandre. Pour gagner la confiance de ce dernier, le héros joue un double jeu et se fait le complice de ses vices tout en feignant d'être faible et lâche.
Dans cette scène, l'envoyé du pape (le Cardinal Valori) et l'un des conseillers d'Alexandre (Sire Maurice), viennent de faire part au duc de leur méfiance vis-à-vis de Lorenzo.
Acte I, scène 4
LORENZO monte l’escalier de la terrasse. — Bonjour, messieurs les amis de mon cousin.
LE DUC — Lorenzo, écoute ici. Voilà une heure que nous parlons de toi. Sais-tu la nouvelle ? Mon ami, on t’excommunie en latin, et sire Maurice t’appelle un homme dangereux, le cardinal aussi ; quant au bon Valori, il est trop honnête pour prononcer ton nom.
LORENZO — Pour qui dangereux, Eminence ? Pour les filles de joie ou pour les saints du paradis ?
LE CARDINAL — Les chiens de cour peuvent être pris de la rage comme les autres chiens.
LORENZO — Une insulte de prêtre doit se faire en latin.
SIRE MAURICE — Il s’en fait en toscan, auxquelles on peut répondre.
LORENZO — Sire Maurice, je ne vous voyais pas ; excusez-moi, j’avais le soleil dans les yeux ; mais vous avez bon visage et votre habit me paraît tout neuf.
SIRE MAURICE — Comme votre esprit ; je l’ai fait faire d’un vieux pourpoint de mon grand-père.
LORENZO — Cousin, quand vous aurez assez de quelque