Métaphysique des tubes. amélie nothomb

27621 mots 111 pages
Métaphysique Des Tubes1 | P a g e
Amélie Nothomb
Métaphysique des tubes.
(2000)
2 | P a g e
Au commencement il n'y avait rien. Et ce rien n'était ni vide ni vague : il n'appelait rien d'autre que lui-même. Et Dieu vit que cela était bon. Pour rien au monde il n'eût créé quoi que ce fût. Le rien faisait mieux que lui convenir : il le comblait.
Dieu avait les yeux perpétuellement ouverts et fixes. S'ils avaient été fermés, cela n'eût rien changé. Il n'y avait rien à voir et Dieu ne regardait
rien.
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Comme tel, on n'en a gardé aucune trace. Semblablement, on n a conservé aucune archive du jour où un homme s'est mis debout pour la première fois, ni du jour où un homme a enfin compris la mort. Les événements les plus fondamentaux de l'humanité sont passés presque inaperçus.
Soudain, la maison se mit à retentir de hurlements. La mère et la gouvernante, d'abord pétrifiées, cherchèrent l'origine de ces cris. Un singe s'était-il introduit dans la demeure ? Un fou s'était-il échappé d'un asile ?En désespoir de cause, la mère alla regarder dans sa chambre. Ce qu'elle
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- Evidemment, poursuivit-elle, tu ne sais pas ce que ça veut dire, la mort. Tu n'as que deux ans et demi.
- Mort ! Affirmai-je sur le ton d'une assertion sans réplique, avant de tourner les talons.
Mort ! Comme si je ne savais pas ! Comme si mes deux ans et demi m'en éloignaient, alors qu'ils m'en rapprochaient ! Mort ! Qui mieux que moi savait ? Le sens de ce mot, je venais à peine de le quitter ! Je le connaissais encore mieux que les autres enfants, moi qui l'avais prolongé au-delà des limites humaines.N'avais-je pas vécu deux années de coma, pour autant que l'on puisse vivre le coma ?
Qu'avaient-ils donc pensé que je faisais, dans mon berceau, pendant si longtemps, sinon mourir ma vie, mourir le temps, mourir la peur, mourir le néant, mourir la torpeur

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