Macbeth acte iii scène 4
I) La double scène et le double jeu
Nous parlons de double scène et de double jeu, mais on pourrait même parler d’une scène à triple foyer, dont le centre d’intérêt serait triple : la fête, qui est le prétexte à la réunion des personnages qui se trouvent sur scène, l’intervention de l’assassin, et l’irruption du spectre. En regard de chacun de ces éléments, la position des personnages principaux, Macbeth et Lady Macbeth est duplice, et la fête, pourtant au centre de l’espace scénique, ne peut avoir lieu.
1) Le roi et l’assassin
L’assassin joue bien sûr un rôle fondamental, puisqu’il a entre ses mains le pouvoir de libérer Macbeth : libération de Banquo l’ami, mais surtout le témoin indésirable des prophéties des sorcières, libération de Fléance, celui qui succédera à Macbeth et rendra dérisoire et vain le crime qui lui a permis d’accéder au pouvoir, libération enfin du destin à travers la liquidation du père et du fils, grand et petit serpents. Que cette fonction de libération soit entre les mains d’un assassin signe ce qui est maintenant le destin de Macbeth : le sang qui appelle le sang, et le règlement de compte indéfini. L’assassin intervient en total décalage par rapport à la noble assemblée qui occupe la scène : lui reste en marge, à la frontière des coulisses : il est à la porte et n’entrera pas (137m) alors que les convives sont assis à leurs places ; il a du sang sur le visage, tandis qu’on boit du vin à table; le sang, qui est une manifestation explicite de la violence et de la mort (ibid.), de la vie qui est passée dehors (137b) ; il est économe de paroles, mais il a agi, il a tué Banquo (139m). Il est un capital tranche - gorge (137b), il a fait couler le sang et l’a laissé apparaître aux marges de la scène, mais un tranche - gorge inaccompli : il a agi incomplètement, en laissant fuir Fléance. Le témoin des prédictions a disparu, mais celui qui en est un agent essentiel reste vivant, et laisse ouverte la place au spectre.