Madameoiselle
Par Thomas Piketty, Le Monde, Mercredi 29 avril 2009
La crise peut certes jouer un rôle salutaire pour corriger certains des excès les plus criants apparus depuis les années 1980. Par quelle folie idéologique les autorités publiques ont-elles permis à des pans entiers de l’industrie financière de se développer sans contrôle, sans régulation prudentielle, sans rendu des comptes digne de ce nom ? Par quel aveuglement a-t-on laissé certains cadres dirigeants et autres traders se servir des rémunérations individuelles de plusieurs dizaines de millions d’euros, sans réagir, voire en les glorifiant ?
La chute du Mur et la victoire définitive du capitalisme contre le système soviétique ont probablement contribué à l’émergence de cet étrange moment des années 1990-2000, marqué par une foi démesurée dans le marché auto-régulé et un sentiment d’impunité absolue parmi les élites économiques et financières.
Dans sa forme la plus extrême, ce temps est terminé. Encore faudra-t-il de nombreuses années avant que les discours publics se transforment en actes. La transparence financière et comptable est un chantier titanesque concernant aussi bien les paradis fiscaux que les grands pays, les sociétés non financières que le secteur bancaire, et nous ne sommes qu’au début du chemin menant à une régulation et à une prévention efficace des crises financières. Concernant les rémunérations insensées exprimées en millions d’euros, seuls des taux d’imposition dissuasifs au sommet de l’échelle des salaires permettront de revenir à des écarts moins extrêmes. On en prend la direction, mais la route sera longue, tant les