Maitriser ses desirs, est-ce pour l'homme la seule voie vers la liberte?
« Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère, et l’on n’est heureux qu’avant d’être heureux. » Pourquoi Rousseau rend-il un tel hommage au désir ? Fait-il notre bonheur, notre malheur ? Est-il la marque de la misère de l’homme, ou constitue-t-il son essence et sa grandeur ?
Au sens étymologique, « désirer » signifie « regretter l’absence de », c’est pourquoi le désir est cette tendance consciente vers ce que l’on aimerait posséder, vers cette fin ou cet objet que l’on sait, ou imagine, source de satisfaction. Mais le plaisir réside-t-il dans la possession de cet objet si cher à nos yeux, ou est-il fécondé par le désir ? Mais l’étymologie précise que « constater avec regret l’absence de… » a pour signification « cesser de contempler les astres », et si on ne désire que ce que l’on ne possède pas, ou plus, peut-être ne désire-t-on que des images, des nostalgies, des étoiles. L’homme, être de désir, serait-il « un ver de terre, amoureux d’une étoile »* ? Les objets, étoiles du désir, ne seraient-ils que chimères, illusions, illusions perdues ?
Le désir est alors l’expérience vécue d’un manque, d’une privation d’être, et on ne saurait désirer sans souffrir de cette dépossession que le désir lui-même nous inflige et nous signifie. Cause du malheur de l’homme, le désir devient notre ennemi, et le bonheur ne peut être pensé que comme absence de désir. La sagesse populaire conseille de réduire ses désirs, de ne pas désirer plus qu’on ne peut obtenir. Il faut savoir lutter contre la démesure des désirs, illimités, toujours insatisfaits, dont la dépendance signerait notre perte.
Maîtriser ses désirs, est-ce pour un homme la seule voie vers la liberté ? Concevoir le désir comme signe de la dépendance de l’homme à l’égard d’une nature qu’il ne choisit pas, revient effectivement à nier sa liberté.