Manon lescaut
La dramatisation du récit : elle entraîne le lecteur malgré lui dans l'adhésion complice. Des Grieux est un admirable conteur. Toutes les péripéties du roman d'aventures se trouvent réunies et contées de manière alerte (évasions, enlèvements, meurtres, et jusqu'au voyage final en Amérique). Ces rebondissements perpétuels qui resserrent progressivement la narration en la rendant plus haletante, entraînent le lecteur et engourdissent son jugement moral. Des Grieux est en outre incomparable dans l'art de la prolepse. Lorsqu'il assure par exemple : « Je n'eus pas le moindre soupçon du coup cruel qu'on se préparait à me porter », le lecteur est mis dans une situation de tension et d'attente qui le prépare aussi à excuser un héros si constamment victime ! Ces prolepses n'empêchent d'ailleurs pas le narrateur d'user aussi de toutes les ressources de la focalisation interne pour faire état, comme après coup, d'événements qu'il ne soupçonnait pas : des "je fus étonné", "ma consternation fut grande" etc. émaillent souvent le récit, et l'on pourra se référer au passage où, dans sa prison, Des Grieux apprend de la bouche du vieux G.M. que Manon est enfermée à l'Hôpital général. Le narrateur s'était bien gardé de nous en informer jusque là, laissant à la nouvelle tout son poids de surprise et de désolation. Enfin Des Grieux ne manque pas d'interpeller fréquemment son auditeur, comme pour maintenir son attention et quêter une