Marivaux
LE NOTAIRE, s’adressant à madame Amelin. Voilà, madame, le contrat que vous m’avez demandé ; on y a exactement suivi vos intentions. MADAME AMELIN, à Araminte, bas. Faites comme si c’était le vôtre. (À madame Argante.) Ne voulez-vous pas bien honorer ce contrat-là de votre signature, madame ? MADAME ARGANTE Et pour qui est-il donc, madame ? ARAMINTE C’est celui d’Éraste et le mien. MADAME ARGANTE Moi ! signer votre contrat, madame ! Ah, je n’aurai pas cet honneur-là, et vous aurez, s’il vous plaît, la bonté d’aller vous-même le signer ailleurs. (Au notaire.) Remportez, remportez cela, monsieur. (À madame Amelin.) Vous n’y songez pas, Madame ; on n’a point ces procédés-là ; jamais on n’en vit de pareils. MADAME AMELIN Il m’a paru que je ne pouvais marier mon neveu, chez vous, sans vous faire cette honnêteté-là, madame, et je ne quitterai point que vous n’ayez signé, qui pis est ; car vous signerez. MADAME ARGANTE Oh ! Il n’en sera rien ; car je m’en vais. MADAME AMELIN, l’empêchant. Vous resterez, s’il vous plaît ; le contrat ne saurait se passer de vous. (À Araminte.) Aidez-moi, madame ; empêchons madame Argante de sortir. ARAMINTE Tenez ferme ; je ne plierai point non plus. MADAME ARGANTE Où en sommes-nous donc, mesdames ? ne suis-je pas chez moi ? ÉRASTE, à madame Amelin. Eh ! à quoi pensez-vous, madame ? Je mourrais moi-même plutôt que de signer. MADAME AMELIN Vous signerez tout à l’heure, et nous signerons tous. MADAME ARGANTE Apparemment que madame se donne ici la comédie, au défaut de celle qui lui a manqué. MADAME AMELIN, riant. Ah ! ah ! ah ! Vous avez raison ; je ne veux rien perdre. LE NOTAIRE Accommodez-vous donc, mesdames ; car d’autres affaires m’appellent ailleurs. Au reste, suivant