LE sujet du Théétète est la science et son fondement. Il s'agit d'y déterminer, non pas quels sont les objets de la science, ni quelles sont les différentes sciences, mais ce que c'est que la science considérée en elle-même, ce qui la caractérise et la constitue. L'adversaire de Socrate propose trois solutions à ce problème. D'abord il répond que savoir, c'est sentir. Battu sur ce point, il a recours à une solution un peu plus étendue, et avance que savoir, c'est juger; substituant déjà à une impression des sens une opération de l'intelligence. Cette opération semblant encore trop circonscrite pour embrasser toute la science, il s'adresse au raison- 4 nement, à la définition, à l'analyse. Or, ces deux opérations, juger ou se faire une opinion immédiatement et sur simple apparence, et raisonner ou se faire une opinion par un procédé réfléchi et par voie discursive, s'appellent dans la langue de la philosophie ancienne δοξάζειν et λογίζεσθαι. La δόξα des Grecs est à peu près le jugement des modernes, sous ce rappot qu'elle reste en deçà du raisonnement; mais elle n'a rien à voir avec ces jugemenτs d'un tout autre ordre qui, loin d'être au-dessous de la portée du raisonnement, le surpassent et atteignent la vérité par une intuition à la fois immédiate et absolue. Ce qui sépare essentiellement cette dernière classe de jugemenτs de la première, c'est qu'ils sont marqués du caractère de nécessité et d'universalité (ἔννοιαι ou νοήσεις), tandis que la δόξα est contingente et arbitraire, relative à telle ou telle circonstance, à tel ou tel individu. Maintenant il faut faire attention que les deux der- 5 nières solutions du problème de la science, le jugement sur simple apparence et le jugement appuyé sur le raisonnement, la définition et les autres procédés de ce genre, ont cela de commun qu'elles appartiennent aux fonctions de l'entendement travaillant sur des données sensibles, et qu'elles renferment la science dans l'enceinte de la logique. On peut donc considérer les