Texte B : José Maria de HEREDIA, Midi, « La Nature et le Rêve », Les Trophées (1893). Midi
Pas un seul bruit d'insecte ou d'abeille en maraude1,
Tout dort sous les grands bois accablés de soleil
Où le feuillage épais tamise2 un jour pareil
Au velours sombre et doux des mousses d'emeraude3.

Criblant le dôme obscur, Midi splendide y rôde
Et, sur mes cils mi-clos alanguis de sommeil,
De mille éclairs furtifs forme un réseau vermeil4
Qui s'allonge et se croise à travers l'ombre chaude.

Vers la gaze de feu que trament les rayons
Vole le frêle essaim des riches papillons
Qu'enivrent la lumière et le parfum des sèves ;

Alors mes doigts tremblants saisissent chaque fil,
Et dans les mailles d'or de ce filet subtil,
Chasseur harmonieux, j'emprisonne mes rêves.

1- en maraude : en quête de butin
2- tamiser : laisser passer en adoucissant
3- émeraude : pierre précieuse de couleur verte
4- vermeil : rouge foncé
5- gaze : étoffe légère et transparente.

Introduction : José Maria de Heredia est un poète d'origine cubaine qui fut ensuite naturalisé français. Il fut l'un des maîtres du mouvement parnassien. Son œuvre n'est constitué que d'un seul recueil constitué de sept parties, Les Tragiques qui fut publié en 1893. C'est par ailleurs de ce recueil que le poème, « Midi » étudié est extrait. Le poème est issu de la cinquième division nommée « La nature et le rêve ». Ce même poème est aussi connu sous le nom de « La sieste ». On peut se demander en quoi le monde sensible est omniprésent dans le poème de José Maria de Heredia. Pour y répondre, nous verrons dans un premier temps la beauté de la nature exposée par l'auteur pour finir par la sensibilité exposée par ce