Mme de la fayette, la princesse de clèves
“...je ne saurais vous avouer, sans honte, que la certitude de n’être plus aimée de vous, comme je le suis, me paraît un si horrible malheur, que, quand je n’aurais point des raisons de devoir insurmontables, je doute si je pourrais me résoudre à m’exposer à ce malheur. Je sais que vous êtes libre, que je le suis, et que les choses sont d’une sorte que le public n’aurait peut-être pas sujet de vous blâmer, ni moi non plus, quand nous nous engagerions ensemble pour jamais. Mais les hommes conservent-ils de la passion dans ces engagements éternels ? Dois-je espérer un miracle en ma faveur et puis-je me mettre en état de voir certainement finir cette passion dont je ferais toute ma félicité ? Monsieur de Clèves était peut-être l’unique homme du monde capable de conserver de l’amour dans le mariage. Ma destinée n’a pas voulu que j’aie pu profiter de ce bonheur ; peut-être aussi que sa passion n’avait subsisté que parce qu’il n’en aurait pas trouvé en moi. Mais je n’aurais pas le même moyen de conserver la vôtre : je crois même que les obstacles ont fait votre constance. Vous en avez assez trouvé pour vous animer à vaincre ; et mes actions involontaires, ou les choses que le hasard vous a apprises, vous ont donné assez d’espérance pour ne vous pas rebuter…”
On est dans la quatrième partie du roman, que l’on peut appeler la partie de la passion et du retrait.
Monsieur de Clèves vient de mourir, en croyant que sa femme lui a mentis ; Madame de Clèves, prise par le remords et par un sens de culpabilité, se retire de la Court et ne veut pas avoir aucun contact avec le monde externe ; mais Monsieur de Nemours, par l’entremise de la Vidame de Chartre, réussit à revoir
M. me de Clèves.
C’est la première fois que les deux héros parlent tête-à-tête : ils ont déjà eu un rencontre dans la troisième partie du roman, mais, à l’époque, pendant les rencontres officiels les nobles sont toujours entourés de domestique. Ici, M.