Lecture analytique – Molière, Dom Juan, acte I, scène 1 (extrait)

A la fin de l’année 1664, Molière dont le Tartuffe vient d’être censuré, commence à écrire Dom Juan. En février 1665, Molière présente la première de Dom Juan ou le festin de Pierre. Il joue Sganarelle. Le public accueille favorablement cette pièce à machines, richement décorée et spectaculaire. Mais à l’approche des fêtes de Pâques, la pièce est retirée de l’affiche, après seulement 15 représentations. L’œuvre est l’objet de polémique : certes Molière reprend un mythe qui parcourt toute l’Europe, un mythe bien connu du public du XVIIème siècle : celui d’un seigneur espagnol (créé au théâtre par Tirso de Molina, en 1630) qui mène une vie déréglée et criminelle. Mais le Dom Juan de Molière est une pièce subversive ou le héros est un être révolté qui incarne le libertinage. Dans cette scène d’exposition, le valet Sganarelle, une tabatière à la main, converse avec Gusman : il inaugure la pièce en faisant un éloge du tabac comme facteur de sociabilité et de vertu. La scène se passe en Sicile, devant un palais.

I un singulier éloge du tabac Le début de la tirade fonctionne comme un prologue* et il est surprenant : il s’écarte délibérément des règles de la scène d’exposition qui doit informer sur l’identité des personnages, les éléments de l’action, le lieu et le moment.
D’ailleurs Sganarelle lui-même souligne le caractère incongru de son discours avant d’amorcer l’exposition : Mais c'est assez de cette matière. Reprenons un peu notre discours Le discours de Sganarelle relève en apparence du burlesque*. Le fait que Molière confie les premiers et les derniers mots de sa pièce au valet bouffon inscrit la pièce dans le genre de la comédie (parfois même de la farce) .

La tirade initiale de Sganarelle exploite plusieurs effets comiques ;
- Elle est d’abord un éloge paradoxal [ c’est un exercice de style, hérité de l’humanisme qui est une plaisanterie de Lettrés qui consiste