Monologue d'hermione
« J’ai horreur de ça ! s’exclame Élodie, 33 ans. Je ne sais jamais quoi faire ni comment. Cela m’ennuie de suivre une recette, d’émincer, d’attendre… » Simple histoire de hobby ? « En partie, répond le sociologue Jean-Claude Kaufmann1, car la cuisine ordinaire n’a rien à voir avec la “cuisine passion”, aujourd’hui très à la mode. La préparation des repas reste, pour beaucoup, une activité répétitive, fastidieuse, souvent interminable et rarement gratifiante. Elle soulève par ailleurs des choix cornéliens : que privilégier ? la santé, le plaisir, le budget, le goût des uns ou des autres ? » Pour les non passionnés, faire la cuisine est « une tâche anxiogène, éprouvante et culpabilisante », constate le sociologue.
Personne ne m’a appris. La cuisine est porteuse de valeurs culturelles, familiales, religieuses, mais aussi de partage, de convivialité. Autant de valeurs qui, comme l’explique Gérard Apfeldorfer, psychiatre et spécialiste des troubles du comportement alimentaire, se transmettent au sein de la famille… ou pas. « Si notre éducation ne nous a pas appris à aimer toutes ces notions de plaisir, de partage, d’héritage qui passent par la cuisine, expose-t-il, il est difficile de les développer sur le tard, seul. » De même, selon lui, « l’encouragement à faire soi-même et l’apprentissage de l’autonomie sont tout aussi déterminants ».
J’ai peur de mal faire. La psychothérapeute Catherine Aimelet-Périssol2 entend derrière ce désamour « toute la charge émotionnelle que cuisiner implique : la peur de rater son plat, d’être jugé par l’autre, ou qu’il n’aime pas le repas ; mais aussi la crainte de ne pas faire aussi bien que sa mère, “le” chef par excellence… Ces peurs, liées à un manque de confiance en soi, paralysent facilement ». Ce n’est pas tant que certains n’aiment pas cuisiner, mais ils n’osent pas : ce serait mettre en danger leur identité, tant ils mettent d’eux dans tout ce qu’ils peuvent créer.
Ma mère, mon (contre) modèle. « La