Montaigne: capitre9 livre 2
Sur les armes des Parthes
1. C'est une mauvaise attitude de la noblesse de notre temps, et signe de faiblesse, que de ne prendre les armes qu'en cas d'extrême nécessité, et de s'en défaire dès que le danger semble tant soit peu écarté. Il en résulte bien des inconvénients: quand tout le monde crie et court prendre ses armes, au moment du combat, il en est qui en sont encore à lacer leur cuirasse, quand leurs compagnons sont déjà en déroute. Nos pères donnaient à porter leur casque, leur lance, leurs gantelets, mais ne quittaient pas le reste de leur équipement tant que durait leur service. Nos troupes sont maintenant troublées et désorganisées par la confusion due aux bagages et aux valets qui ne peuvent s'éloigner de leur maître, dont ils portent les armes.
2. Tite-Live, parlant des gens de chez nous, dit1
: « Incapables de souffrir la fatigue, ils peinaient à porter leurs armes sur l'épaule. » Plusieurs peuples allaient autrefois et vont encore aujourd'hui à la guerre sans se protéger, ou avec des protections peu efficaces. La tête protégée par du liège... [Virgile, Énéide, VII, v. 742]
3. Alexandre, le chef le plus audacieux qu'il y ait jamais eu, revêtait rarement la cuirasse et le casque. Et ceux de chez nous qui méprisent cet attirail ne sont pas pour autant désavantagés. S'il arrive en effet que des gens soient tués parce qu'ils n'avaient pas d'armure, il en est à peu près autant que l'encombrement de leurs armes a mis en état d'infériorité, à cause de leur poids, ou parce qu'ils étaient blessés et brisés à l'intérieur, à la suite d'un choc quelconque. Car il semble bien, en effet, quand on voit le poids de nos armures et leur épaisseur, que nous ne cherchons qu'à nous défendre, et que nous en sommes plus empêtrés que vraiment protégés. Nous avons bien assez à faire pour en soutenir le poids, coincés, entravés, comme si combattre consistait seulement à cogner avec elles, et comme si nous n'avions