Portrait de Thésée... en Hippolyte. Les deux premiers vers répondent à une remarque d'Hippolyte, qui croit naïvement que l'affection de Phèdre s'adresse à son père ; dans un premier temps, celle-ci laisse croire que l'objet de son amour est bien Thésée. Mais l'exaltation de Phèdre transparaît dans le rythme même du vers : "oui, Prince, je languis, je brûle pour Thésée. Je l'aime [...]" (v. 634-635) Le premier alexandrin comporte trois coupes fortes, dont une lyrique (Prince // je languis), et un rythme ternaire ascendant, avec une forte cadence majeure : le v. 634 compte 1 + 2 + 3 + 6 syllabes ; et l'amour est exprimé trois fois : languir évoque le caractère douloureux de l'amour-maladie, "brûler" introduit la métaphore du feu, très conventionnelle certes, mais qui exprime une passion destructrice ; enfin, "aimer" - mis en valeur par l'enjambement - est un constat direct. Cette répétition traduit l'obsession de Phèdre, et son désir de communiquer ses sentiments. Après cet aveu conforme aux attentes d'Hippolyte, vient un double portrait beaucoup plus surprenant. Ce n'est pas le Thésée actuel qu'elle aime ("non point tel que l'on vu les enfers"), et dont elle brosse une image des plus négatives : termes dépréciatifs (volage, adorateur, de mille objets divers, déshonorer la couche) qui font du héros un Dom Juan de bas étage ; allitération en fricatives méprisantes : [v] et [f] ; et voilà Thésée "exécuté" en deux vers. Non, celui qu'elle aime ("mais...", opposition renforcée par l'anaphore) c'est un Thésée ancien, fantasmatique, dont elle multiplie les qualités en une énumération ouverte : "mais fidèle, mais fier, et même un peu farouche, charmant, jeune, traînant tous les cœurs après soi" (v. 638-639) L'on remarquera l'allitération en [f], qui n'exprime plus cette fois le mépris, mais au contraire comme une douce caresse vocale, comme si elle dressait le portrait par petites touches. "fidèle" et "fier" se font écho par les sons [f], [i] et [è],