Mythe
Si la fonction des mythes est bien celle qu'on vient de désigner, elle est évidemment universelle et rien ne permet de supposer que notre civilisation puisse se dispenser de mythes ou de leur équivalent. Deux remarques cependant s'imposent. En premier lieu, dans la mesure où la fonction des mythes est liée à l'adhésion qu'on leur accorde, on est enclin à ne jamais reconnaître comme mythes que les mythes des autres. Au sein d'une civilisation aussi complexe que la civilisation industrielle, des sous-groupes peuvent certes relativiser la position d'autres sous-groupes en les accusant de s'abandonner à des mythes ; ainsi le marxiste face au chrétien, l'artiste face à l'homme d'affaires, une génération face à une autre, et réciproquement. Mais, pour découvrir ce qu'est le travail des mythes dans son propre esprit, il faut automatiquement faire référence à d'autres mythes, fût-ce celui de la « science ». En second lieu, les mythes s'insèrent toujours dans un système de genres oraux ou écrits qui diffère selon les cultures et qui influe sur la forme particulière qu'y prennent les mythes eux-mêmes. Les sociétés qui se conçoivent comme immuables et ne retiennent rien de leur histoire auront une mythologie dont l'axe se situe autrement que dans une société où l'histoire est mise au premier plan. Tous les genres, aussi bien les genres littéraires comme le conte, la poésie ou le théâtre, que l'histoire ou la philosophie, entretiennent un rapport direct avec les mythes qui façonnent les significations dont ils sont porteurs. Dans la civilisation industrielle, les récits de la Bible et des Évangiles, mais aussi l'Histoire en général telle qu'elle est utilisée dans l'éducation ou pour expliquer ou justifier des choses actuelles, sont des mythes qui ont bien ce caractère de récits dont l'intérêt réside dans la cohérence qu'on y suppose et le crédit qu'on leur