Nationalisme
Il existe probablement autant de théories du nationalisme que de théories nationalistes. Il n’est évidemment pas question d’en rendre compte ici. On ne s’engagera pas non plus dans la fausse querelle sur la question de savoir si le nationalisme est une exacerbation pathologique du patriotisme, ou s’il en représente au contraire une mise en forme doctrinale, consciente et rigoureuse. Notons seulement, au-delà des typologies souvent extrêmement complexes proposées à ce jour1, que le nationalisme peut recevoir deux définitions principales. Dans la première de ces acceptions, il se définit comme l’aspiration plus ou moins volontaire, fondée sur des éléments objectifs ou non, d’un peuple à se constituer (ou à se rétablir) en tant que nation, le plus souvent dans un contexte perçu comme aliénant l’identité collective. Il s’impose alors comme un mouvement de construction historique. Dans la seconde définition, le nationalisme est la doctrine politique qui affirme qu’un gouvernement doit se préoccuper avant tout, voire se fonder exclusivement sur l’intérêt national. Ces deux définitions montrent d’emblée l’ambivalence du nationalisme, ambivalence directement liée à son caractère éminemment réactif. Le nationalisme apparaît le plus souvent dans des circonstances relevant de l’état d’exception au sens de Carl Schmitt. Il entend réagir contre une menace, réelle ou supposée, qui pèserait sur l’identité collective et l’empêcherait de se fonder ou d’exister en tant que nation. Le nationalisme, par exemple, se manifeste aussi bien en réaction contre une occupation étrangère que dans une situation de colonisation, dans le cadre d’un régionalisme exacerbé, etc. Son essence est donc conflictuelle. Il a besoin d’un ennemi. Mais cet ennemi peut revêtir les formes les plus diverses. D’où la plasticité du nationalisme qui, dans l’histoire, a pu se révéler aussi bien moderne qu’antimoderne, intellectuel que populaire, de droite ou de gauche.