Neuf mois dans les hôpitaux français
RÉCIT D’UN BLESSÉ (Repli allemand) D’après les notes du caporal Paul TH., 7e Cie, 140e R.I., 27e D.I., Barthélemy, 14e C.A., Marjoulet, IIIe A., Humbert. Le 17 mars, nous sortons des lignes d’Armancourt et trouvons les tranchées allemandes évacuées ; nous avançons avec prudence, craignant un piège ; mais non, il n’y a plus d’ennemis devant nous ; les Allemands sont en retraite, ils se sont esquivés pendant la nuit sans que nous nous en doutions. Nous les poursuivons dans la direction du nord-est ; la contrée que nous traversons est ravagée, les villages sont encore en flammes pour la plupart, les arbres fruitiers eux-mêmes sont abattus ; cette destruction sauvage et systématique nous transporte de fureur. ♣ 19 mars. - Le 19, dans la nuit, nous pénétrons dans Ham ; nous y retrouvons quelques habitants que les Boches avaient enfermés dans l’église et qui viennent d’être délivrés par les camarades qui nous précèdent. La petite ville est en grande partie détruite, le château a sauté, ainsi que la gare et le pont du chemin de fer ; tous les carrefours sont creusés d’entonnoirs impressionnants, de la même largeur que la route, les maisons avoisinantes gisent en morceaux au fond de ces trous. Nous cantonnons dans une usine intacte située au bord du canal en dehors de la ville ; c’est là qu’étaient installées les douches de l’armée allemande. Nous y dormons sur le ciment, roulés dans nos couvertures. Le ravitaillement n’a pu nous suivre, les routes sont coupées, il n’y a pas de distribution ; nous serrons nos ceintures en philosophes que nous sommes devenus. 20 mars. - Le 20 mars, au petit jour, nous repartons vers l’est en suivant la voie du chemin de fer ; les rails sont brisés tous les cinq mètres, la poudre a fait son œuvre. Il y a de nombreux arrêts dans la marche ; nous sommes en réserve, les coloniaux nous précèdent, l’ennemi ne réagit