Normalité - maturité
Jean-Yves Roy
On ne peut parler de normalité sans susciter à la fois une impression de confusion et un sentiment assez mal défini de révolte intérieure. En effet, le terme «normal» est aromatisé de tant de façons qu'on perd rapidement de vue sa signification réelle ou, à tout le moins, contextuelle. De plus, nous n'hésitons pas à le personnaliser, à lui prêter des intentions maléfiques; tel un monstre bizarre toujours prêt à nous attaquer, non pour nous tuer tout à fait, mais pour nous standardiser, ce qui est peut-être pire, il nous semble animé par une volonté implacable de nous rendre conforme à la moyenne. Nous sommes prêts à nous battre contre lui, prêts à nous battre pour échapper à son pouvoir, pour conserver nos caractères distinctifs, pour demeurer nous-mêmes.
Aussi peut-il être d'une certaine utilité, d'abord, de ressaisir la signification opératoire du vocabulaire de la normalité, ensuite, en retombant dans la pratique, de montrer comment s'inscrit la vie dans ce dédale de devoir-être. Car, c'est de cette confrontation qu'il est question: la norme, une attitude de groupe, d'une part, et d'autre part l'individu aux prises avec son processus individuel de différenciation. Au fond, la question, l'angoisse sous-jacente à tout débat sur la normalité pourrait se formuler de la façon suivante: vais-je pouvoir être à la fois normal et moi-même?
Il n'y a probablement pas de réponse à cette question; ou plutôt des milliards de réponses toutes différentes les unes des autres.
Pour tenter de s'y retrouver, il faut d'abord effectuer des distinctions. L'esprit humain est ainsi fait qu'il ne comprend la vie qu'en la disséquant. Nous tâcherons d'abord de distinguer les divers registres de normalité. Car il paraît plus qu'évident que ce concept recouvre plusieurs registres de signification.
Le premier sens du mot renvoie aux statistiques. Normalité signifie d'abord moyenne. L'événement normal, c est celui qui est le plus souvent