«Not i», «pas moi», du chuchotement au chuchotement
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« Lorsque j’ai lu Not I pour la première fois, j’ai fondu en larmes. Ce texte a produit sur moi un effet émotionnel extraordinaire. J’ai immédiatement senti qu’il fallait le dire à toute allure. […] Avec Beckett, nous avons concentré notre attention sur le rythme, les cris, l’essoufflement, etc. Mais je ne lui ai jamais demandé quel était le sens de cette pièce. La première fois que j’ai répété la pièce, j’ai craqué. J’avais l’impression de ne plus avoir de corps, je n’avais plus de point de repère dans l’espace. […] J’avais véritablement l’impression de tomber sans fin.1 » Voilà le premier contact de Billie Whitelaw avec le texte de théâtre beckettien intitulé Pas moi en français, Not I en anglais. Cette pièce, transmodalisée ici pour la télévision par Samuel Beckett lui-même avec Whitelaw dans le rôle de l’unique personnage dénommé « Bouche », propose cette chute fatale de l’humain dont le questionnement s’égrène, dont la quête de sens avorte, en tout petits, « petits bouts de rien2 ». Beckett avait déjà traité de la désagrégation intérieure humaine métaphorisée par le corps atrophié à l’occasion des deux derniers volets de sa trilogie narrative constituée de Molloy [1948], Malone meurt [1949] et L’Innommable [1949], où un homme-tronc analyse son univers par le biais de ses sens défaillants et où une tête-œuf n’arrive même plus à savoir de quoi elle parle. Avec
Image fixe tirée du film «Not I», 1973, DVD, 13 min.
Not I, l’humain, l’humaine dans ce cas précis, n’a carrément plus de corps. De ces restes humains, tout ce qui demeure est une bouche, organe de la parole qui, tout en ressentant fortement l’urgence de dire, n’arrive plus à le faire de façon compréhensible. Alors que dans la pièce, « Bouche » se tient dans le vide, entourée de noir, plongée dans le néant