Nouvelle
« Je suis une personne malheureuse... », écrit elle sur l'avant-dernière page de son journal intime, qu'elle déposa dans sa cachette usuelle : sous le matelas ...Tout le monde dans la maison savait où elle le cachait, et on venait de temps en temps feuille ter à la dérobée le petit cahier ; mais elle l'ignorait. De toute manière, elle n'y marquait rien d'important, hormis quelques sombres pensées. Mais jamais, jamais n 'avait-elle marqué ce qu'elle commettait pendant les nuits qu'elle passait dans la rue. Il faisait presque nuit quand elle se dirigea vers le boulevard 9...Les parisiens l'appelaient Boulevard des Poupées... « C'est là où tu trouves de bonnes femmes à bas prix » disait-on. Elle salua de la tête quelques figures qui ne lui étaient pas inconnues, des figures occupées à se maquiller, à fumer, ou alors à mener de petites engueulades ici et là... Elle s'installa dans son coin assombri, et sortit son petit miroir, puis se mit à ajuster son maquillage . Edith en vérité, é tait beaucoup plus charmante sans maquillage, elle semblait plus fraîche , plus jeune. Quand elle se démaquillait, elle embellissait et rajeuniss ait de dix ans, même plus. Elle avait 23 ans, mais selon les goûts des clients, cette information variait . Elle pouvait se faire p asser pour une jeune fille de 18 ans, ou alors une jeune femme de 30 ans...Le maquillage et l'habit la changeaient complètement. Elle écartait avec soin les petites m èches de cheveux qui tombèrent délicatement sur sa frimousse parfaitement ovale et blêmie par le stress et la cigarette. Elle jetait de temps en temps des regards indifférents sur les poupées, qui perçurent à brûle pourpoint une voiture se dirigeant vers le boulevard. Celle-ci attira l'attention de tout le monde : elle était la pus opulente qu'on avait jamais vu dans les lieux . Le véhicule s'arrêta ... Deux ou trois poupées se précipitèrent, mais le conducteur n'apparut point. Des minutes s'écoulèrent, les vitres s'étaient lentement ouvertes :