Nouvelle1
Connaissez-vous un autre mot, pour dire armoire ? Il y en a plusieurs à vrai dire, mais il y en a un que mon frère ne veut plus prononcer. Moi-même je n’y arrive de nouveau que depuis peu : il s’agit du mot ‘penderie’. Il faut dire qu’avec l’histoire qu’on a vécue, c’est normal qu’il soit un peu secoué. Il est plus jeune que moi de deux ans, tout de même. Je m’en souviens, cela s’est passé il y a maintenant … Treize mois, si mes souvenirs sont bons.
Tout a commencé à cause de notre grand-père. Son nom échappe à ma mémoire, peut-être qu’on ne me l’a jamais dit. Il avait participé à la guerre mondiale, la deuxième, et a été blessé à deux reprises, très grièvement. La première fois, alors qu’il avait oublié de mettre son casque, un impact d’obus, heureusement freiné par une trajectoire étrange, et un ricochet, s’était fiché dans sa tête. Heureusement pour lui, il n’avait pas traversé son crâne, et ne l’avait que fracturé, mais il était tout de même passé tout près de la mort. La deuxième fois, c’était aux mains d’un soldat allemand, qui l’avait attrapé au cou et avait commencé à l’étrangler. Il serait mort si quelqu’un n’avait pas descendu l’homme qui l’asphyxiait.
Finalement, il s’en est sortit, et est revenu auprès de notre grand-mère. Je crois que quand elle est morte, il a perdu son dernier semblant de raison. La solitude, les souvenirs horribles de la guerre, l’ont quelque peu déréglé, et il s’est mit à parcourir le pays en quête de … cordes. Mais pas de n’importe quelles cordes : des cordes ayant servit à pendre des gens. N’importe quelle personne, par ailleurs, ça lui importait peu. Il exhibait fièrement sa collection dans une armoire, et tout le monde le disait fou à lier. Finalement, ce n’était qu’un vieil homme solitaire, que son propre fils ne visitait qu’occasionnellement.
Son fils, c’était mon papa. Et quand grand-père est décédé, papa avait des problèmes d’argent. En héritage, il n’eut pas de vraies compensations