oedipe et tiresias
Faute, responsabilité et exercice du pouvoir dans Œdipe roi
De toutes les tragédies antiques, Œdipe roi est probablement celle qui est la plus connue d’un large public contemporain ; tout au moins le nom d’Œdipe résonne-t-il de manière étrangement familière, et sans doute cela est-il dû aussi, au moins en partie, au célèbre complexe défini par les psychanalystes auquel il semble, aujourd’hui, indissolublement lié.
Mais que la pièce soit célèbre ne signifie pas pour autant qu’elle soit parfaitement transparente ; au contraire, elle fait partie de ces objets légués par l’Antiquité avec lesquels nous entretenons une sorte de proximité trompeuse qui a pour effet de nous empêcher ou de nous dispenser de les regarder, du fait que nous les avons constamment présents à notre horizon mental. Un certain nombre de travaux autour de la figure d’Œdipe – figure dont l’Œdipe de Sophocle n’est qu’un avatar parmi d’autres – en particulier les travaux de Freud et de ses épigones – nous rendent finalement plus opaque la pièce de Sophocle, en venant se substituer ou faire écran à une véritable lecture – j’entends par là une lecture non prévenue, qui se confronte directement au texte. En somme, le plus difficile, quand on lit – ou relit –
Œdipe roi est peut-être de l’aborder avec un œil neuf et une curiosité intacte.
Cette curiosité nécessaire peut néanmoins se nourrir d’un paradoxe existant dans l’histoire des lectures d’OR : d’un côté, au XIXe s. particulièrement, on y a vu une « tragédie du destin », un exemple particulièrement frappant du fait que l’homme n’est pas libre et que tout ce qu’il fait a toujours été, de toute façon, préalablement décidé par les dieux. De l’autre,
Œdipe apparaît comme un « criminel » (c’est ainsi qu’est bien souvent traduit l’adjectif kakovı, notamment par Mazon dans l’édition des Belles-Lettres), un homme qui se mutile pour se punir des fautes qu’il a commises — fautes qui, bien évidemment, ne peuvent lui être imputées que