Introduction

En 1985, le monde était simple pour un américain. Il se réduisait à une vision manichéenne : Il y avait d’un côté «les gentils » (les Etats Unis et leurs satellites) défenseurs de la liberté et de la démocratie et de l’autre « les méchants » (le bloc communiste) porteurs de tous le maux. Ronald Reagan avait relancé la course aux armements et Super Mario dominait l’univers des jeux vidéo. En ce qui concerne la bande dessinée, hormis les strips paraissant dans les quotidiens, le monde était également quasiment bipolaire dominé par DC Comics et Marvel. En réalité, le genre était encore considéré comme relativement mineur et peu de studios envisageaient de faire un film à gros budget à partir d’une bande dessinée.
Comme dans la musique où les britanniques ont, plusieurs fois, été à l’origine d’une remise en question salutaire, deux anglais, Alan Moore (32 ans) et Dave Gibbons (36 ans) assistés du coloriste Dave Higgins vont, en 1985 renouveler le genre avec une bande qui deviendra immédiatement culte : Watchmen.
Il est largement admis que Watchmen a fait prendre un réel coup de vieux à beaucoup de ses prédécesseurs et que la bande dessinée américaine n’a plus jamais été la même. C’est probablement exagéré : les années 80 sont des années de mutation et il est probable que la BD américaine aurait évolué avec ou sans Watchmen. Néanmoins, il est certain que le livre est devenu une référence de la littérature américaine et qu’il a marqué durablement les esprits de la génération suivante. C’est le seul album de BD à avoir figuré dans la liste des 100 plus grandes œuvres littéraires du Times (en 2005).
A la différence d’autres films de super héros, Watchmen n’est pas un film d’accès facile (tout comme la BD). De plus, il dévie significativement de l’histoire originelle, que ce soit dans la trame de l’histoire (avec une fin légèrement différente) ou dans le format (avec l’abandon de pans entiers comme le duo entre les deux Bernie ou l’absence de l’histoire de