Penser est ce dire non ?
Doit-on considérer que la pensée, si elle se caractérise par une prise de position, consiste en un «non», en une distanciation critique par laquelle nous refuserions une certaine façon de voir les choses?
Pour pouvoir répondre au plus juste à cette question (Penser, est-ce dire non?), nous aurons à nous en poser successivement trois autres. En quoi le jugement peut-il être conçu comme étant un refus ? En quoi, toutefois, ne saurait-il s’y réduire ? Et, enfin, en quoi la pensée est-elle, somme toute, un processus relevant à la fois du refus et de l'adhésion ? Pour bien voir en quoi le fait de penser peut consister en un refus, il est capital d'analyser les étapes de la formation d'un jugement. Intellectuellement parlant, nous ne sommes pas vierges. J'entends par-là qu'ayant déjà une certaine expérience de la vie, nous avons été amenés par la force des choses à avoir des avis sur ce qui nous entoure. Mais ces avis ne sont en fait que des opinions, des idées que nous tenons pour vraies sans en avoir réellement analysé la teneur et estimé la valeur.
Ainsi, quand nous nous efforçons de penser, c’est-à-dire ici de juger les choses avec justesse, deux choix s'offrent à nous : rejeter l'opinion ou en faire une authentique pensée en l'approfondissant et en la consolidant au moyen d'un raisonnement la