Petit texte de charles baudelaire

365 mots 2 pages
Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris, XII,
« Les foules », 1861

Il n’est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude : jouir de la foule est un art ; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage.
Multitude, solitude : termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée.
Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu’il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant ; et si de certaines places paraissent lui être fermées, c’est qu’à ses yeux elles ne valent pas la peine d’être visitées.
Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont seront éternellement privés l’égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente.
Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l’âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l’imprévu qui se montre, à l’inconnu qui passe.
Il est bon d’apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier un instant leur sot orgueil, qu’il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses ivresses ; et, au sein de la vaste famille que leur génie s’est faite, ils doivent rire

en relation

  • dissertation
    778 mots | 4 pages
  • Le parc des abruzzes
    1325 mots | 6 pages
  • Analyse littéraire sur le dernier jour d'un condamné
    1058 mots | 5 pages
  • Journal La Croix dat du 4 janvier 2013
    846 mots | 4 pages
  • Sssssssss
    357 mots | 2 pages
  • l'équipage de Joseph Kessel
    866 mots | 4 pages
  • Liste
    1692 mots | 7 pages
  • Commentaire linéaire-juste la fin du monde
    1229 mots | 5 pages
  • Sujet d'invention
    451 mots | 2 pages
  • Analyse jeune et con
    850 mots | 4 pages
  • Poème
    383 mots | 2 pages
  • Guy de bourgogne
    278 mots | 2 pages
  • Mutation d'un gene
    1526 mots | 7 pages
  • L'ingnue
    1304 mots | 6 pages
  • Dissertation: L'argent fait-il le bonheur ?
    565 mots | 3 pages