Peut on douter de tout ?
Rappelons tout d’abord les notions indispensables à l’étude de notre sujet. Le verbe pouvoir signifie, à la fois, avoir la possibilité de faire quelque chose, être capable de la réaliser, et, d'autre part, avoir le droit. « Peut-on » signifie donc « est-il possible de », mais aussi « est-il légitime de ». Il faudra, par conséquent, simultanément s'interroger sur la possibilité de douter et sur la légitimité de cette opération. Que désigne, maintenant, le verbe « douter » ? D'une manière très générale, le doute représente un état d'incertitude de l'esprit entraînant une suspension du jugement ; douter, c'est ne pas pouvoir déterminer si une affirmation est vraie ou fausse, c'est, en cet état d'incertitude, suspendre toute affirmation. Douter n'est pas nié : la négation est une certitude, le doute revient à admettre qu'on ne sait pas. « De tout », enfin, signifie ici : de l'ensemble des réalités, quelle que soit cette réalité. Et c'est, bien entendu, cet Universel qui pose problème ici.
La vérité n’existe pas, la philosophie est une perpétuelle remise en question et on peut même considérer le doute comme inséparable, et même constitutif, de toute véritable entreprise philosophique. Ne pas se remettre en question est même devenue l'attitude dogmatique que combat la philosophie et l’on retrouve ce sentiment étrange chez tous les penseurs, de Socrate à Descartes en passant par les Sceptiques. Mais si le doute nous est présenté comme attitude philosophique par excellence, est-il quelque chose de si positif ? La question même de savoir si on peut douter de tout semble entraîner un doute quant à la valeur même du doute. Il est donc légitime de se demander s'il y a des limites au doute, et cela, au sens à la fois théorique, moral, et politique. Nous verrons tout d’abord qu’il est possible à la fois moralement et rationnellement de douter de tout puis, nous nous intéresserons aux limites que pose cependant le doute.
Si nous nous posons la