Peut-on ne pas être soi-même ?
« Restez vous-même », « soyez vrais », « osez le naturel » sont d'autant de conseils qu'il nous arrive de lire dans les magazines, ou en grosses lettres, sur les spots publicitaires. On nous commande d'être nous-mêmes et de ne pas se soucier de la société, des autres, de la mode, de la publicité, mais d'acheter quand même. Ce type de slogan réussit invariablement, parce qu'en étant soi-même, on se croit extraordinaire, libre et unique, alors qu'après tout, soi-même, tout le monde l'est. Pourtant, parfois, on aurait envie de ne pas être soi-même, de tourner l'intitulé du sujet en demande de permission, « s'il-vous-plaît, puis-je ne pas être moi-même ? ». Mais il faut se ramener à la raison, on ne vous répondra jamais oui. Les lois de la physique ont été votées, votre corps est le vôtre pour l'éternité, chacun a son « moi », et on ne pourra jamais emprunter celui d'un autre.
A celui qui vient s'excuser « désolé, je n'étais pas moi-même », « menteur ! », devrions-nous lui répondre ! « Si tu n'étais pas toi-même, alors qui donc étais-tu? ». L'intransigeance face au soi-même est de mise, qui donc peut-être assez fou pour ne pas se croire soi-même ? D'ailleurs, celui à qui il arrive de dire « je sais pas ce qu'il s'est passé, je ne me reconnais pas. » après les moments les plus gênants et désolants de son existence, en dit-il toujours autant après les instants les plus valorisants, dont il est le plus fier ? Quel prétentieux, de se reconnaître lui-même lorsqu'il a de quoi être satisfait de lui, et lorsqu'il échoue, qu'il rate, de se délester de toute responsabilité en invoquant la faillibilité du « soi-même ».
En fait, même si ses paroles sous-entendent qu'il n'était littéralement pas lui-même, lui-même sait qu'il l'était. D'où tout l'intérêt de ces questionnements: que signifie être soi-même, et donc ne pas être soi-même, lorsqu'on est forcé physiquement de l'être ? Est-on forcément fidèle à soi-même ? Se connaît-on assez, finalement, pour l'affirmer