Peut-on refuser de douter ?
Il y a des choses dont on doute spontanément et des choses qu'il ne nous viendrait pas à l'esprit de remettre en question. Lorsque j' ai l'impression que l'on me ment ou quand un fait ne me parait pas évident le doute s'impose naturellement et légitimement au moins jusqu'à ce que je sois parvenu à éclaircir le problème.
De même, le refus de douter peut apparaître comme tout à fait légitime et tout à fait fondé, c'est-à-dire qu'il peut reposer sur des raisons valables.
En premier lieu, comment puis-je en effet douter des vérités scientifiques? La science n'énonce rien qui ne soit prouvé, démontré c'est-à-dire vérifié et même s'il ne m'est pas possible de vérifier par moi-même que la terre tourne autour du soleil ou que la somme des angles d'un triangle est égale à deux droits (à cause de mon ignorance en matière de géométrie), ma confiance en la science n'est pas absurde; elle n'est pas le résultat d'un manque de sérieux. J'ai de bonnes raisons de ne pas douter; c'est plutôt la volonté de douter de ce qui est objectivement fondé qui pourrait ici paraître insensée et inutile. Donc on peut refuser de douter de ce qui est scientifiquement établi.
Ensuite certaines évidences, bien qu'elles ne soient pas des vérités scientifiques semblent difficiles à remettre en question sans passer pour un fantaisiste. Parmi ces évidences, il y a ce que les sens m'apprennent : ce que je vois; je vois que le ciel est bleu ou que les forêts sont essentiellement constituées d'arbres et non de fleurs; je sens que j'ai un corps et je reconnais lorsque je l'entends qu'un chien aboie... Il semblerait étrange et sans intérêt de remettre en question de tels faits. Il y a également ce qui apparaît comme évident au terme d'un raisonnement : tous les hommes sont mortels; Socrate est un homme; donc Socrate est mortel. De même, Descartes, à l'issu d'un raisonnement qui le conduit à une remise en question radicale, découvre qu'il ne peut pas douter de son existence