Peut-on se passer d'un maître ?
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A certaines périodes de l'histoire, plus rarement aujourd'hui, des hommes se sont cru le droit d'aliéner la liberté d'autrui, en achetant ou en vendant d'autres hommes comme esclaves. Une telle pratique consiste à faire de l'autre sa propriété, comme s'il était une simple marchandise. Cela revient à le dépouiller de son humanité si, comme le dit Rousseau, "renoncer à sa liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme". Il y eut même des philosophes, comme Aristote, pour justifier l'esclavage en expliquant que certains hommes, à cause de leur défaut d'aptitude au raisonnement, étaient incapables de se conduire eux-mêmes, et avaient donc besoin d'un maître. Ils étaient, en quelque sorte, destinés par nature à vivre sous la règle d'un autre. Une telle idée est évidemment scandaleuse. Pourtant, il serait tout aussi scandaleux de confondre, dans une même condamnation, le maître qui asservit et le maître qui instruit. La relation entre le maître et l'esclave ne saurait être confondue avec celle du maître et de son disciple. Or, peut-on se passer d'un tel maître? Tout homme, parce qu'il est d'abord enfant, a besoin d'être éduqué. Et cette éducation implique peut-être certaines contraintes. Une fois sorti de l'enfance, l'homme n'aura-t-il pas encore besoin d'une autorité qui prolongera celle du père, sous les traits de l'institution politique? Mais, aussi bien dans l'Etat que dans la famille, qu'est-ce qui distingue alors l'autorité de l'asservissement? Qu'est-ce donc que l'autorité?
I. Autoritarisme et anarchie
1. Un pouvoir autoritaire
Si l'on considère ce que sont les hommes d'un point de vue critique, on en conclura qu'ils ont besoin d'un maître. La nécessité d'une autorité s'impose en raison de la nature de l'homme.Les hommes, s'ils avaient la garantie de pouvoir faire ce que bon leur semble impunément, se nuiraient les uns aux autres. C'est l'idée que tire Hobbes de l'analyse de la nature humaine (Léviathan).
Qu'est-ce que l'homme? se demande-t-il. Il